Dimanche 12 février 2012
Bonjour à tout le monde,
Manger sainement c’est l’histoire de l’humanité !, s’exclame Laurent
Chevallier, médecin nutritionniste, praticien au CHU de Montpellier et auteur
de Je maigris sain, je mange bien (Fayard, 2011). Depuis que l’homme est
homme, il sait intuitivement que ce qu’il mange a des effets sur sa santé. » Et
depuis plusieurs décennies, il le prouve scientifiquement. Au fil des années,
nous avons ainsi découvert que certaines populations adoptant des habitudes
alimentaires différentes des nôtres, vivaient plus longtemps et en meilleure
santé. Plusieurs études ont également démontré que certains aliments avaient un
impact réel dans la prévention de nombreuses maladies, tels que les cancers.
Enfin, médecins et nutritionnistes sont d’accord sur les grandes lignes : bien
se nourrir c’est choisir des aliments moins sucrés, moins gras, moins salés.
C’est également réduire les pesticides et la part d’alimentation industrielle
et transformée, réputée dangereuse pour notre santé.
L’aliment n’est pas un tout
Fort de ces postulats scientifiques, mieux se nourrir devrait donc être
simple. « Pas vraiment, reconnaît Laurent Chevallier, car il existe une
cacophonie nutritionnelle savamment entretenue par l’industrie alimentaire, qui
consiste à se servir des études comme armes de marketing pour promouvoir leurs
produits. À cela s’ajoute l’absence de prise de décision rapide des pouvoirs
publics concernant des produits dangereux, ainsi que l’impuissance des
organismes de veille sanitaire à intervenir efficacement. Tout cela amène à la
perte de confiance en l’aliment. »
Quand ce dernier est de bonne qualité, cela ne signifie pas que nous
mangeons sainement : nous pouvons, en effet, adopter une alimentation
entièrement bio et manger de façon déséquilibrée. « Les centaines de dogmes
alimentaires ne sont pas taillées sur mesure pour chacun d’entre nous », ajoute
Thomas Uhl, naturopathe et fondateur de la Pensée sauvage, un centre détox de
remise en forme au cœur du Vercors. L’alimentation doit s’adapter à l’individu,
son tempérament, sa constitution, son profil héréditaire, sa santé, et en
parallèle correspondre à nos activités. « Manger du muesli cru au petit
déjeuner sera adapté au montagnard qui coupe du bois pendant quatre heures,
mais ne conviendra pas au citadin qui se rend au bureau tous les jours », note
le naturopathe. Bien se nourrir nécessite ainsi d’être attentif à soi, à ses
sensations, aux besoins et aux dépenses du corps. « C’est pourquoi,
ajoute-t-il, il est indispensable de tester, d’appréhender, d’apprivoiser, de
se demander ce qui nous fait plaisir, ce que nous digérons bien ou moins bien,
ce qui nous donne de l’énergie…
Renouer avec le plaisir
« Je digère mal », « je suis trop
sensible », « je suis souvent fatigué », « je n’arrive pas à perdre du poids »,
entend-on souvent. « Cela prouve bien que se nourrir ne doit pas obéir
uniquement aux lois de la diététique, souligne Thomas Uhl. Le plaisir, qui
optimise ce que l’on mange, doit entrer en jeu. » Relâcher la maîtrise
permanente de nos envies, s’offrir de temps en temps des petits plaisirs :
manger des croissants le week-end, une andouillette au barbecue, s’octroyer
quelques verres d’un bon vin entre amis… Car sans ces plaisirs, outre le désir
de transgression que nous ne cessons de nourrir, le corps, à la longue, se
sensibilise, perd une part de son immunité et se rend perméable aux
déséquilibres et aux maladies chroniques (allergie, asthme, diabètes,
cancers…). Celles-ci touchent un Français sur deux et sont en partie liées à
une alimentation mal adaptée qui rend le corps moins résistant au stress et à
la pollution. « S’offrir des plaisirs, confronter de temps en temps le corps à
des excès, manger des aliments “crasses” – la junk food – permet à notre corps
d’apprendre à s’adapter », assure Thomas Uhl.
« Bien se nourrir c’est aussi
changer nos comportements, lever les yeux au-dessus de notre assiette. Arrêtons
de nous concentrer sur le gras ou les pesticides et ayons un regard plus ouvert
et plus généreux sur notre table, propose Christian Rémésy, ancien chercheur à
l’INRA, nutritionniste et auteur d’un ouvrage sur les dérives de l’industrie
alimentaire (L’Alimentation durable : pour la santé de l’homme et de la
planète, Odile Jacob, 2010). Il faut sortir de la vision égocentrée de
l’aliment. Comprendre qu’il procède d’une chaîne alimentaire et que, par nos
choix, nous pouvons influencer les pratiques agricoles et faire évoluer la
demande alimentaire. »
Si nous mangeons moins de viande
cela ne doit pas forcément être par militantisme végétarien, mais plutôt parce
que la part des protéines animales nous « coûte » trop cher du point de vue
écologique. Une alimentation moins carnée et plus riche en protéines végétales
permet d’atténuer la faim dans le monde, réduire notre bilan carbone, et de
protéger notre santé et notre porte-monnaie.
Se rapprocher de notre nature
Si notre santé s’est fragilisée
c’est en raison d’une nourriture souvent trop industrielle, dénaturée, et de ce
fait pauvre en nutriments protecteurs. « Nous devons réapprendre à nous
déconditionner de ces fausses saveurs – exhausteurs, arômes artificiels,
additifs, émulsifiants… – qui pervertissent le goût et le plaisir, ainsi que
des produits gras et sucrés qui flattent le palais, mais brouillent les
messages de satiété », explique Laurent Chevallier.
Une fois « déconditionné »
comment se nourrir afin d’augmenter notre espérance de vie en bonne santé ? «
En revenant à ce pourquoi nous avons été programmés, soutient le médecin.
C’est-à-dire l’alimentation du chasseur-cueilleur en harmonie avec l’écosystème
de la planète et basée sur l’équilibre entre fruits et légumes et un apport
raisonné de protéines animales. »
Nos ancêtres du paléolithique ne
mangeaient pas de céréales et de biscuits secs, mais plutôt de la viande maigre
de temps en temps, des œufs, des poissons, des légumes, des fruits (frais ou
secs), des graines, du miel, de l’eau ou des tisanes ; peu de produits
laitiers, peu de pain ou de céréales. Pas d’interdits, mais privilégier plutôt
la qualité et le goût. Et pour le retrouver, nous devons quitter l’uniformité
des produits industriels, apprendre à reconnaître la diversité des goûts
naturels en fonction des terroirs, des variétés, des saisons… « Pour cela il faut
se défaire de nos croyances ou des études scientifiques, conseille Thomas Uhl,
et aller vers l’aliment en faisant confiance à nos papilles. Prendre le temps
du goût est aussi le meilleur moyen de manger sainement. »
Le bien-être par la cuisine
Enfin, il n’existe pas de cuisine
plus saine que celle préparée par soi-même. Car l’acte de cuisiner nous emmène
loin. Entrer en contact avec la nourriture, transformer un aliment, le toucher,
le humer, le goûter, nous permet d’explorer nos sens et stimule de façon simple
notre créativité. Mais c’est aussi un outil d’épanouissement personnel. En
cuisinant les aliments, nous changeons notre rapport à la nourriture, nous
apprenons à nous connaître. Préparer soi-même ce qui va nous nourrir est
essentiel à notre équilibre non seulement physique, mais aussi mental. La
plupart des psys spécialistes du comportement alimentaire le savent et
l’enseignent : faire la cuisine est déjà une façon de se nourrir, la satiété
est atteinte par les odeurs, le toucher et les gestes faits en conscience qui
apaisent et rassasient. Dès lors, il devient impensable de manger sans mâcher,
sans conscience et sans plaisir.
En cuisinant, nous prenons soin
de nous, mais aussi des autres. Car le plaisir se transmet et se partage. « Un
repas qui suit les sacro-saintes lois de la diététique et que l’on prend dans
une ambiance macrobiotique d’ascétisme non joyeux où l’on mâche en entendant
les mouches voler, ne se digérera pas », ajoute Thomas Uhl. La façon dont nous
mangeons, l’état d’esprit, l’ambiance festive, la convivialité ont autant
d’impact que l’aliment lui-même. Remplir son chariot au supermarché, chauffer
des plats préparés au micro-ondes ou manger sur un coin de table à la va-vite
ne rassasit pas et, à la longue, nuit à notre santé. En revanche, acheter des
produits en différents lieux, prendre le temps de les cuisiner, soigner la
présentation de ses mets, jouer sur la couleur d’un plat, s’installer en
famille ou entre amis autour d’une table dans une ambiance joyeuse, raconter
aux enfants les souvenirs que nous évoquent l’odeur et les saveurs des mets
servis… contribuent à notre bienêtre. Car comme le souligne Thomas Uhl : « On
digère autant avec le cœur qu’avec le ventre. »
« L’alimentation constitue l’un des piliers essentiels des médecines traditionnelles de l’Inde (ayurvéda) et de la Chine, tant au niveau préventif que curatif.
Contrairement à la médecine occidentale qui s’est développée sur la base d’une
analyse morcelée et détaillée de l’être humain, ces médecines en ont privilégié
une vision globale, en relation avec son environnement. Du coup, elles
recommandent d’adapter le régime alimentaire de chaque individu en fonction de
sa morphologie, de son tempérament et de son lieu de vie. Nous gagnerions
beaucoup à enrichir nos pratiques occidentales de cette sagesse millénaire. »
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